Du chapelet fluorescent au tabernacle d'or

Paru dans le Nouvelliste, le 14 août 2016, écrit par Marie-Josée Montminy.

(Nicolet) Des dizaines et des dizaines de chapelets, de crucifix, de médailles, d'étoles, de chasubles, de statues, de burettes et de crèches: les réserves du Musée des religions du monde de Nicolet recèlent plus de 27 300 objets et 100 000 images pieuses.

Les visiteurs ont eu l'occasion de découvrir une partie de la collection du musée, cet été, en visitant une de ses quatre réserves en compagnie du directeur Jean-François Royal.

Pas plus d'un pour cent de la collection du musée a été exposée dans ses salles. Les 5699 objets religieux, 2233 pièces de vêtements et textiles, 16 567 éléments d'archives textuelles et iconographiques, 392 items domestiques et 886 de beaux-arts sont entreposés dans les réserves du musée.

Mais d'où proviennent tous ces artéfacts? Et comment l'équipe du musée en fait-elle le tri pour déterminer ce qui sera ajouté à la collection?
Le Musée traite en moyenne une cinquantaine d'objets qui lui sont soumis soit par des particuliers, des communautés religieuses ou des fabriques. Les dons sont présélectionnés par Jean-François Royal et la gestionnaire des collections du musée, avant de passer par la validation du comité d'acquisition qui se réunit deux fois par année.

La multiplication des fermetures d'églises en raison de la baisse de la pratique et le manque de relève dans les communautés religieuses nourrit l'offre de dons au musée. Les églises qui ferment ne sont évidemment pas tenues d'offrir leur patrimoine au musée.
Patrimoine religieux ou non?

«Le patrimoine religieux, ce n'est pas toujours évident. Un ostensoir, personne ne se pose la question: tout le monde sait que c'est du patrimoine religieux et se dit que c'est normal d'avoir ça ici. Par contre, une sainte vierge qui change de couleur pour dire la température dehors, est-ce que c'est du patrimoine religieux? Où est la ligne?», illustre Jean-François Royal pour décrire la réflexion suscitée par chaque offre de don. 
La collection du musée, qui englobe les cinq grandes religions, comprend des pièces très rares comme une lampe funéraire chinoise d'il y a deux mille ans, un tabernacle du Jeudi saint couvert de feuille d'or du 19e siècle et une dalle funéraire de la Basse Normandie de la fin du 14e siècle.

Mais elle comporte aussi un chapelet en noyaux d'olives, un crucifix en épingles à linge, un tableau de feutre avec des figurines qui expliquent le rôle de chacun dans une messe, ainsi qu'une veste de crin de cheval servant à la mortification.

Au-delà de la noblesse ou de l'âge de l'objet, c'est davantage son sens, sa signification qui sont privilégiés dans sa sélection.
«Oui, j'ai un chapelet fluorescent dans mes collections, et oui, j'ai une petite sainte vierge dans une noix de Grenoble faite par un monsieur, parce qu'on considère que c'est une manifestation d'une dévotion et d'une croyance.

Je ne peux pas refuser quelque chose parce que ce n'est pas noble ou pas d'un artiste connu, mais je ne peux pas tout collectionner non plus. C'est une question pas simple et on doit analyser à chaque fois», indique le directeur du musée.

Certains types d'items, dont les vêtements liturgiques et les objets d'église, sont représentés par dizaines dans les réserves. Les nouveaux dons acceptés devront se distinguer d'une façon ou d'une autre.

Le Musée peut maintenant se permettre d'être de plus en plus sélectif dans l'alimentation et la gestion de sa collection. Notons aussi que le Musée est responsable de la gestion de la collection des Soeurs de l'Assomption de la Sainte-Vierge, qui comprend 1500 objets.

Une aura de superstition
Dans la catégorie des donateurs individuels, on retrouve entre autres les gens qui doivent «casser maison», les collectionneurs ou encore les mandataires qui disposent des biens d'une personne défunte. Au cours de ses années comme directeur du musée, Jean-François Royal a pu observer un rapport ambigu et parfois superstitieux avec les objets religieux.

«Certaines personnes n'ont pas conscience que c'est du patrimoine. S'il y avait eu dans la famille un grand-oncle militaire pendant la guerre de Sécession ou de 1812, on se transmettrait de père en fils le kit militaire, le fusil, les médailles, l'habit... Ça serait un trésor à préserver.
Mais on a dans la famille un oncle curé qui a été pionnier dans le nord, qui a défriché, un homme d'influence, et on se retrouve avec son béret, son chapelet, son bréviaire et sa croix, on ne les gardera pas, on va vouloir s'en débarrasser. On ne considère pas ça comme du patrimoine parce que c'est associé à une croyance», fait-il remarquer.

Un autre phénomène: certaines personnes apportent des objets dont ils ne veulent pas disposer eux-mêmes. «Ils ne veulent pas le jeter parce qu'il y a une aura de superstition autour de ces objets, qui fait qu'on sait pas trop quoi en faire, comment s'en débarrasser. On va aller au musée, eux autres vont savoir comment!», raconte M. Royal, qui a déjà trouvé quatre prie-Dieu au bas des marches du musée un matin, sans aucune note.

Le directeur du musée prévoit répéter l'expérience de la visite de la plus grande réserve du musée l'été prochain, devant le succès des quatre visites qui ont eu lieu cet été.

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